Indian Creek Chronicles, de Pete Fromm

C’est en parcourant des recommandations de lectures pour l’été de Libération (disponibles ici) que je suis tombée sur ce récit autobiographie dans lequel Pete Fromm relate son expérience un peu dingue de job étudiant qui a consisté à surveiller et prendre soin d’œufs de saumons pendant tout un hiver - glacial - au cœur de la Selway Bitteroot Wilderness, zone sauvage protégée située à cheval entre les Etats du Montana et de l’Idaho.

Et je l’écris tout de suite: j’ai dévoré ces “chroniques” en un temps record (chose rare car je lis plutôt lentement en anglais et le livre est truffé de termes que je n’utilise pas au quotidien comme “stère”, “loutre” ou “orignal”). Pas un seul instant je ne me suis ennuyée en suivant le parcours initiatique de Pete Fromm qui apprivoise progressivement son nouvel environnement à première vue hostile ainsi que la solitude.

Car non seulement son expérience et ses apprentissages sont ponctués d’évènements surprenants, édifiants, haletants, de scènes vraiment déchirantes (je pense ici au chapitre consacré à la vaine et ô combien dangereuse tentative du père et du frère du narrateur de le rejoindre à son campement pour Noël… en ski. J’avais le cœur serré en lisant ce passage) ou de purs moments de grâce, mais c’est surtout l’humilité, l’auto-dérision et la démarche que je crois authentique de l’auteur qui rendent ce livre captivant et son histoire attachante.

« Finally, full of tea, I went outside to pee before going to bed. I ducked through the tent flap and stepped into a bright sliver world. The full moon had risen above the wall of mountains hemming me in and now shone down upon my snow-whitened world. The flat fields of unisturbed snow reflected the light back up and the trees threw it every which way, until finally there were barely any shadows. I stood in awe, only slowly following my foot trails through the snow into my meadow, unable to beileve the ghostly light »
— Indian Creek Chronicles, chapter 8

Là où Gabrielle Filteau-Chiba est à mon sens très vindicative dans sa dénonciation du braconnage d’animaux sauvages, par exemple, Pete Fromm partage son expérience et son ressenti en quelques lignes, avec simplicité et sincérité, et a plus profondément touché la lectrice que je suis. Ce mode mineur appliqué tout au long du livre m’a semblé nettement plus efficace, et légitime, que de se faire crier dessus.

« He had been decimating the fish, I reminded myself. But I still had not seen one of those salmon and, for crying out loud, there were two and a half million of them. They were meant to take losses. And I could see this raccoon, and I could touch him and I could picture what had happened to him. His hands were shaped a lot like mine.
I pulled most of my traps after that. »
— Indian Creek Chronicles. Chapter 7.

Par ailleurs, assister à une éclipse solaire, un face-à-face terrifiant entre un homme et un lynx ou encore observer une famille de loutre pêcher dans une rivière, ne peuvent que faire du bien à des citadins happés par les écrans en tout genre, un quotidien plombant et une incessante accélération du rythme (et pour faire quoi ?). Ce fut mon cas et j’étais surprise de partager la mélancolie du narrateur qui voit arriver le printemps - saison que j’adore - et son lot de chasseurs amateurs ou promeneurs du dimanche, avec tristesse et amertume.

Je pense que c’est grâce Colette, et sa célébration du monde - particulièrement dans La Maison de Claudine - que j’ai développé cette appétence pour un genre littéraire qui a un nom en anglais: la “nature writing”. J’ai hâte de découvrir les autres livres de Pete Fromm, qui comprennent une suite aux Indian Creek Chronicles, semble-t-il. J’ai également noté quelques noms d’auteurs à découvrir, comme Thoreau, ou Sylvain Tesson en France. Toute recommandation dans ce domaine est la bienvenue.

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A Confederacy of Dunces, de John Kennedy Toole