Mon été avec Colette

Le 150ème anniversaire de Colette (1873 - 1954), célébré par La Grande Librairie  en début d’année (voir ici), m’a donné une furieuse envie de me replonger dans l’œuvre de cette grande autrice. D’elle, je ne connaissais que Le Blé en herbe et L’Ingénue libertine. Parler de cette femme de lettres (mais pas que. Colette fut également comédienne, pantomime, a ouvert un salon de beauté…) en quelques lignes est une gageure. Je retiens d’elle que c’était une femme multiple - d’origine terrienne et paysanne, elle a apparemment vécu dans tous les arrondissements de Paris, a eu trois maris et plus d’amant.e.s, dotée d’un très grand sens de l’observation et de la formule. Sa prose est éblouissante. Si vous souhaitez en savoir plus sur Colette, les podcasts sont légion (j’ai bien aimé la série Un été avec Colette sur France Inter, disponible ici).

Pour évoquer les livres que j’ai lus en juillet, j’ai fait le choix de regrouper, d’une part, Les Vrilles de la Vigne, Sido et La Maison de Claudine, recueils de récits personnels où Colette célèbre ses origines paysannes, sa famille, ses amis et sa chère Bourgogne natale; et, d’autre part, Chéri et La fin de de Chéri, œuvres romanesques.

Ce billet est mis à jour en août, suite à la lecture de La Naissance du jour.

Les Vrilles de la vigne (1908, et ajout de textes en 1934)

Ce recueil de textes courts dans lesquels Colette évoque ses amis, ses amants, son activité de mime, la nature et ce que cette dernière provoque en elle, fait partie des œuvres dans lesquelles Colette part à la recherche d’elle-même avec un lyrisme formidable (certains textes m’ont semblé être des poèmes en prose) qui sublime sa réflexion mais aussi et surtout ses impressions. Les sensations priment chez Colette. J’ai littéralement senti la chaleur d’un soleil d’été et vu les poissons se faufiler entre mes pieds en lisant Partie de pêche. J’ai également aimé: Les Vrilles de la vigne, qui m’a fait penser à L’Albatros; Le Miroir, où Colette clôt définitivement le chapitre des Claudine et met les point sur les i; De quoi est-ce qu’on a l’air, sur l’amitié féminine…Une très belle lecture.

Sido (1929 et ajout de textes en 1930)

Sido, diminutif de Sidonie, est la mère adorée - mais aussi redoutée, parfois, de Colette, dont le vrai nom est Sidonie Gabrielle Colette (Colette était son nom de famille, oui). J’ai moins aimé ces récits consacrés à Sido, donc, ainsi qu’au “Capitaine”, le papa de l’autrice, et ses deux frères. Peut-être parce que le personnage à la fois excentrique et cassant de Sido m’a un peu laissé de marbre même si je sais que Colette lui doit beaucoup.

La Maison de Claudine (1922)

Ceci n’est pas l’épisode final de la série des “Claudine” et j’ai lu quelque part que Colette avait utilisé ce prénom pour des raisons commerciales (la série des Claudine a eu un énorme succès à l’époque). La Maison de Claudine est une célébration des origines paysannes de l’autrice, de son enfance, une ode à la maison - et au jardin! - de Saint-Sauveur-en-Puisay, où elle a vécu jusqu’à ses dix-huit ans, et du vivant sous toutes ces formes. La faune et la flore n’avaient aucun secret pour Colette et j’ai enrichi mon vocabulaire botanique grâce à elle. La maternité est également présente dans ce livre, qui s’ouvre sur un très joli chapitre évoquant l’angoisse universelle des mamans et se clôt avec le portrait de l’unique fille de Colette, surnommée “Bel Gazou”. L’attention portée à la description du monde végétal ou animal (véritable concert de couleurs, d’odeurs); à la transcription des souvenirs d’enfance (sublimés, Colette n’est pas dupe) et ce parcours vers l’approfondissement de soi m’ont éblouie. Une lecture magnifique. Se rendre dans l’Yonne n’est peut-être pas très vendeur pour mon entourage mais j’aimerais vraiment passer par Saint-Sauveur-en-Puisay un jour.

La naissance du jour (1928)

Ce n’est sans doute pas l’œuvre la plus accessible de Colette parmi toutes celles que j’ai lues cet été. Mais c’est quand Colette observe, décrit ou navigue entre rêveries et réflexions qu’elle me séduit le plus. Ici, on prend un bain de mer ou on assiste à un bal populaire à Saint Tropez en compagnie d’artistes et intellectuels des années folles; on découvre les questionnements d’une femme de 55 ans sur ses relations avec les hommes et on visite la treille Muscate (villa sur les hauteurs de St Trop qui a appartenu à Colette entre 1925 et 1939). Déroutant, parfois, car s’y mêlent les lettres - retouchées - de Sido ainsi qu’une part “d’autofiction”, mais captivant. A relire plusieurs fois, je pense.

Chéri (1920)

Ce roman sur un amour immature, quasi-incestueux et voué à l’échec entre une demi-mondaine de 49 ans, Léa, et un jeune homme d’une vingtaine d’années, Fred ou “Chéri”, fut également un succès à sa sortie. Alors que les deux amants entretiennent une relation faite de sorties, de virées en Normandie ou de bains interminables, le mariage imminent et arrangé de Chéri avec la jeune Edmée les tire de leur torpeur et lève le voile de la volupté oisive qu’ils avaient connue jusque là. Et forcément, ça fait mal. S’en suit un passage très intéressant sur la fugue de Fred dans les bas-fonds de Paris. Pendant plusieurs mois, Chéri va de bars en fumeries d’opium, entouré de d’amis louches et de “parasites” (c’est Colette qui le dit). On sent l’expérience de Colette, qui fut journaliste et qui a dû fréquenter le monde de la nuit quand elle était comédienne. Ce roman bien écrit évoque aussi la douleur de se voir vieillir et les redoutables rivalités féminines. La plume de Colette est là, bien sûr, mais ça n’est pas l’œuvre que j’ai préférée pendant ce mois de juillet.

La Fin de Chéri (1926)

Ce roman est bien sûr la suite de Chéri. Nous sommes six ans plus tard et Chéri est vétéran de la Grande Guerre. Valide mais incapable de travailler, il assiste, impuissant et happé par une sorte de langueur dépressive, à la reprise des activités économiques et aux succès professionnels de son entourage, particulièrement de sa femme Edmée et de sa mère. Gros coup de blues pour Chéri, qui s’accroche comme il peut à ses souvenirs (Léa est devenue obèse, ne vit plus dans son bel hôtel particulier de l’avenue Bugeaud…) et à ses illusions perdues. C’est en lisant La Fin de Chéri que j’ai compris que le traumatisme des vétérans était un sujet traité bien avant Rambo (1982). Intéressant mais bon Dieu que c’est déprimant.

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