Tokyo Vice, de Jake Adelstein

Connaissant assez mal le monde des polars, j’avais lu une critique plutôt élogieuse de ce livre il y a de nombreuses années et je me suis enfin décidée à l’acheter, puis le lire.

L’œuvre de ce journaliste originaire du Missouri et ayant travaillé au célèbre journal Yomiuri Shinbun pendant une dizaine d’années (on le trouve sur Twitter ici) est parue en anglais en 2009 et a été traduite en français en 2016. C’est son expérience dans ce grand quotidien japonais que Jake Adelstein décrit dans ce récit sombre, parfois drôle, et assez terrifiant à certains égards.

Car Jake Adelstein suivait les affaires criminelles et couvrait les informations liées au crime organisé, les braquages, la sécurité publique ou encore les affaires de mœurs. Ce livre, récemment devenu une série que je n’ai pas vue, est une plongée à la fois instructive et dérangeante dans le Tokyo des criminels, des bars à hôtesses, ou des commissariats miteux.

Instructive ? Le lecteur découvre les méthodes de travail des journalistes, assez surprenantes, pour obtenir une info de la police ou des criminels. Et on est bien loin de l’image d’Epinal qu’une lectrice occidentale connaissant mal le Japon (comme moi, par exemple) peut se faire du pays du soleil levant. Donc, oui, au Japon comme partout ailleurs sans doute, il y a de dangereux individus animés par l’appât du gain, des dérangés sans empathie aucune, ou des personnages dénués de sens moral…

Dérangeante ? Tokyo Vice soulève des questions qui me travaillent depuis longtemps, notamment autour de l’ethnocentrisme et du sexisme. En effet, on y apprend très vite que se rendre dans un bar à hôtesses, quand on est un homme, c’est vraiment monnaie courante au Japon. Être d’emblée choquée comme je l’ai été en lisant cela, n’est-ce pas une réaction d’Européenne petite-bourgeoise ne cherchant pas à comprendre les us et coutumes d’un pays qui se situe de l’autre côté de la planète ?

Certes, le livre comprend tout un chapitre sur les bars à hôtes et hôtesses où l’auteur prend la peine de nous expliquer pourquoi ce service existe et est perçu comme banal. Il m’a quand même semblé, après avoir terminé cette œuvre, que les hôtesses et les prostituées étaient bien plus nombreuses que leurs homologues masculins et que la consommation de leurs services était bien plus généralisée et acceptée dans la société japonaise. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une impression après avoir lu le livre, et analysé l’attitude des personnages masculins, souvent détenteurs d’un pouvoir, à l’égard de ces professionnelles de la compagnie ou du sexe. Le narrateur lui-même prend part à ce jeu de dominant/dominée, se comportant parfois de façon, à mon sens, dégradante à l’égard de certaines femmes. Je ne m’en suis pas vraiment remise.

Et puis, disons les choses, depuis ma très pénible lecture des quatre premiers livres des Confessions de Jean-Jacques Rousseau au lycée, j’ai un peu de mal avec les récits autobiographiques d’hommes qui, l’air de rien, se présentent sous leur meilleur jour.

J’éprouve toutefois un sentiment de gratitude à l’égard de Jake Adelstein, dont le narrateur ne m’est peut-être pas sympathique, mais qui aura eu le mérite de me secouer dans mes certitudes, de me faire réfléchir et de m’instruire sur la société japonaise.

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