Paul et Virginie, de Bernardin de Saint Pierre

Ce court roman est le quatrième tome des Etudes de la Nature de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814). Grâce à sa carrière d’ingénieur, Bernardin de Saint Pierre a voyagé à Malte, en Russie, en Pologne ainsi qu’en île de France (désormais île Maurice), où se déroule l’intrigue de Paul et Virginie. Il fut ami avec Jean-Jacques Rousseau et cela transparaît dans son roman. Roman pastoral et exotique, Paul et Virginie connut le succès à sa sortie en 1788 et inspira les romantiques, semble-t-il.

Voici l’histoire, sans en révéler la fin : Mme de la Tour, mère de Virginie, et Marguerite, mère de Paul, ont dû fuir la disgrâce, la honte ou l’infortune en France métropolitaine et s’installent dans deux cabanons perdus dans la nature luxuriante de l’île de France. Là, elles élèvent leurs enfants, loin de la société et de ses vices. Paul et Virginie grandissent comme frère et sœur. Bien que les deux amies envisagent de marier leurs enfants dans le futur, Mme de la Tour accepte d’envoyer sa fille en France auprès d’une tante qui leur promet de l’argent. Et là, ça se complique. Je n’irai pas plus loin.

J’ai depuis longtemps envisagé d’intituler ce blog « Paul et Virginie » car il résume bien mes goûts littéraires : la littérature classique d’une part, mais aussi mon attirance pour l’ailleurs avec la littérature traduite, classique ou non (sans tomber dans l’attrait pour l’exotisme, du moins je l’espère). Ce n’est pourtant pas un roman qui m’a “transcendée.”

Enfin, j’exagère. Certes, les passages consacrés au bonheur simple de la vie loin de la corruption de la civilisation, à la religiosité ou à l’innocence virginale m’ont laissé de marbre ou m’ont carrément exaspérée. Ce livre a sans doute touché les lecteurs du XVIIIème siècle mais la lectrice de 2022 que je suis, qui n’a jamais été sensible à la pensée rousseauiste, ne sait pas quoi retenir du destin de Paul, Virginie et de leurs mamans.

Toutefois, ce livre fait aussi la part belle aux sensations : Bernardin de Saint Pierre a dû observer longuement la nature mauricienne pour la décrire avec tant de détails et plonge son lecteur dans un univers tropical foisonnant (que peu devaient connaître en 1788) . Par ailleurs, le passage où Virginie commence à ressentir ses premiers émois amoureux voire sexuels, sans le comprendre, surprend tout d’abord et s’avère assez émouvant, sûrement parce qu’il décrit avec beaucoup d’authenticité et de cœur quelque chose d’à la fois très intime mais aussi universel. Alors, faisons honneur à l’auteur de ce joli passage en le citant : « Dans une de ces nuits ardentes, Virginie ressentit redoubler tous les symptômes de son mal. Elle se levait, elle s’asseyait, elle se recouchait, et ne trouvait dans aucune attitude ni le sommeil ni le repos. Elle s’achemine, à la clarté de la lune, vers sa fontaine : elle en aperçoit la source qui, malgré la sécheresse, coulait encore en filets d’argent sur les flancs bruns du rocher. Elle se plonge dans son bassin. D’abord la fraîcheur ranime ses sens, et mille souvenirs agréables se présentent à son esprit. (…) Elle entrevoit dans l’eau, sur ses bras nus et sur son sein, les reflets des deux palmiers plantés à la naissance de son frère et à la sienne, qui entrelaçaient au-dessus de sa tête leurs rameaux verts et leurs jeunes cocos. Elle pense à l’amitié de Paul, plus douce que les parfums, plus pure que l’eau des fontaines, plus forte que les palmiers unis : et elle soupire ».

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