La Guerre et la paix, de Tolstoï

Dans sa traduction (que j’ai lue, donc), Boris de Schloezer a opté pour « La Guerre et la paix » et non « Guerre et paix » comme on l’entend souvent. Je fais le choix de rester fidèle à ce parti pris et ferai donc de même pour évoquer ce gigantesque livre.

Lev Nikolaïevitch Tolstoï (1828 – 1910) écrit ce roman entre 1863 et 1868 et le publie dans une revue entre 1865 et 1868. En écoutant un podcast sur sa vie et son œuvre (disponible ici), j’ai appris qu’il concevait La Guerre et la paix, qui évoque la Russie pendant et après l’invasion napoléonienne entre 1805 et 1819, comme un récit du passé tandis qu’Anna Karénine était pour lui un récit contemporain. Par ailleurs, La Guerre et la paix comprend des éléments autobiographiques : Pierre Bezhoukov, c’est Tolstoï lui-même (je m’en doutais un peu). Quant à la pieuse et profonde Princesse Marie Bolkonsky, elle est le portrait que Tolstoï a voulu faire de sa mère, décédée quand il avait deux ans.

Que dire de ce roman de plus de deux mille pages ? Comme pour Anna Karénine, la partie purement romanesque du récit m’a emportée, j’ai développé un véritable attachement pour certains personnages et le sens de l’observation de l’auteur m’a bluffée. Particulièrement lorsqu’il s’agit des personnages féminins : moi qui croyais qu’hommes et femmes vivaient des vies vraiment parallèles au XIXème siècle, il me semble que Tolstoï était entouré de beaucoup de femmes dans sa vie, les a beaucoup observées, entendues et écoutées. Oui, La Guerre et la Paix peut être qualifiée de magistrale épopée romanesque. Sauf, que.

Sauf, que? Je pense pouvoir dire sans me tromper que Tolstoï a voulu dépeindre la vie dans sa réalité existentielle mais il y a forcément autre chose dans cette œuvre colossale. Et cela m’a totalement échappé. Je préfère être honnête : les considérations de l’auteur sur le sens de l’histoire, la nature humaine ou ses élucubrations sur la stratégie de Napoléon Ier m’ ont laissée perplexe au début puis carrément ennuyée. Et j’ai donc sauté quelques passages, surtout dans les Livres III et IV.

Je préfère donner le mot de la fin à l’auteur, en citant ce magnifique et tumultueux passage qui survient juste après la rencontre entre la Princesse Marie et Nicolas Rostov. Voici le contexte : attristée par le décès de son père survenu la veille, apeurée par l’arrivée des troupes françaises, la Princesse Marie fait face à une mutinerie de ses paysans qui refusent de mener son convoi jusqu’à Moscou (oui, les gens de la haute noblesse se déplace avec beaucoup de monde et d’objets). Nicolas, lui, un hussard également issu d’une grande famille moscovite, est de passage dans la région et entend parler des «problèmes sociaux » qui préoccupent la Princesse Marie. Maintenant, accrochez-vous :

Rostov : « - Je vais leur montrer, je vais leur en flanquer, à ces bandits ! grommelait-il.

Allongeant le pas presque jusqu’au trot, Alpatytch eut peine à le rejoindre.

- Quelle décision avez-vous daigné prendre ? demanda-t-il.

Rostov s’arrêta brusquement et, les poings serrés, s’avança sur Alpatytch, le visage menaçant.

- Une décision, quelle décision ? vieil idiot ! lui cria-t-il. Où avais-tu les yeux ? Hein ? Les paysans se mutinent et tu ne sais pas en venir à bout ! Tu n’es qu’un traître, toi aussi. Je vous connais ! Je vous arracherai la peau à tous !...

(…) Deux heures plus tard, les chariots stationnaient devant la maison. »

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