Sauvagines, de Gabrielle Filteau-Chiba

Voilà un livre qui m’a donné du fil à retordre et qui soulève pour moi des questions importantes: faut-il naïvement chercher une “morale” dans toutes les histoires que nous lisons? Que penser d’un livre dont l’héroïne fait un choix qu’on trouve personnellement condamnable, malgré les circonstances prétendument atténuantes, malgré les garde-fous placés ici et là par l’autrice et, enfin, malgré la fin triomphante et pleine d’espoir? Tout ceci est cryptique? C’est normal. Je rembobine.

Comme souvent chez moi, qui aime découvrir des auteurs québécois, c’est en écoutant une interview de Gabrielle Filteau-Chiba sur France Culture, où elle évoque son engagement écologique, sa passion pour la Nature (voir ici) que je me suis dit qu’il fallait absolument découvrir son œuvre. Par un heureux hasard, je suis tombée sur Sauvagines en flânant dans la magnifique librairie Le Grenier fort à Saint Laurent en Grandvaux. Je me suis rendue compte qu’il s’agissait du deuxième tome d’une trilogie - dont je n’ai pas lu le premier volet - mais me suis lancée dans sa lecture en me disant: qu’à cela ne tienne, j’essaye (une folie chez moi. Je suis très disciplinée). Et je dois dire que j’ai dévoré ce roman écoféministe qui s’apparente parfois à un roman policier. Avec le personnage de Raphaëlle, agente de protection de la faute dans le Haut Kamouraska qui vit avec sa chienne-coyote dans une roulotte, l’autrice nous ouvre les portes d’un monde que nous qualifions de “sauvage” et nous incite à porter un autre regard sur cette nature indomptée en jetant la lumière sur les inepties ou les barbaries humaines.

« Que sommes-nous sans cette fleur de peau qui tressaille face aux gestes de cruauté banalisée, sinon des bêtes nous aussi, dans sans-coeur-ni-tête? »
— Sauvagines, Gabrielle Filteau-Chiba

Plutôt attirée par le monde végétal, que je connais très mal en bonne citadine, j’étais touchée d’apprendre ce qui peut arriver aux castors quand ces derniers construisent un barrage au mauvais endroit pour les humains, aux coyotes, aux orignaux…Ce livre très documenté nous aide à comprendre que nous cohabitons avec la faune et la flore à quel point nous le faisons dramatiquement mal. Evidemment, je comprends la colère de Raphaëlle devant les exactions, les atrocités commises par des chasseurs ou des braconniers sans foi ni loi, en toute impunité. Gabrielle Filteau-Chiba est convaincante dans son récit. Et c’est là que le “mais” arrive: la vengeance est-elle pour autant la solution?

A partir du moment où Raphaëlle a fait un choix que j’ai jugé condamnable et inexplicable, j’ai poursuivi ma lecture mais n’ai plus suivie son héroïne. J’ai lu le dernier tiers du livre avec une bonne dose de circonspection, de stupéfaction et un vague sentiment de désespoir. La culpabilité et les remords pointent le bout de leur nez dans un court dialogue à la fin du livre et sont vite balayés par une injonction à l’oubli. Soit. Là aussi c’est un choix. J’ai fait celui de désapprouver.

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