Le Monde dans nos tasses - L’étonnante histoire du petit-déjeuner, de Christian Grataloup

Je suis de celles qui pensent qu’il n’y a pas de sujets mineurs, surtout quand il s’agit d’alimentation ! L’auteur souligne dans son introduction qu’il comble un grand vide en publiant un livre sur l’histoire du petit-déjeuner et son œuvre a d’ailleurs suscité l’intérêt de plusieurs médias francophones (voir son intervention dans Concordance des temps sur France Culture ici et sur La Première ici).

Il faut dire que Christian Grataloup nous livre une histoire passionnante et une analyse fouillée sur un repas pris parfois à la va-vite avant d’aller en cours ou au travail. L’auteur se concentre tout d’abord sur les trois principales boissons chaudes consommées le matin en Occident; à savoir le café, le chocolat et le thé.

Parmi les nombreux enseignements que l’on peut tirer de cette fascinante lecture tout à fait accessible mais aussi très dense, c’est que le petit-déjeuner que nous connaissons en Europe occidentale est le corollaire du colonialisme, de la mondialisation et l’exploitation des hommes (surtout pour le café et le thé). C’est en effet par son expansion coloniale et commerciale que l’Europe découvre ses trois plantes qui ne poussent pas sur son sol et adopte les boissons qu’on en tire au petit-déjeuner dès le XVIIIème siècle (d’abord chez les classes sociales élevées d’Amsterdam, Londres ou Paris, car ces boissons étaient très onéreuses). Auparavant, le premier repas de la journée était semblable aux autres et ce n’est que par la pénétration des trois boissons d’origine tropicale que le déjeuner est devenu “petit”.

La grande consommatrice de thé que je suis a évidemment accordé plus d’attention au chapitre dédié à ce breuvage venu de Chine. Alors que le café était récolté par des esclaves en Amérique, les colons britanniques qui sont parvenus à faire cultiver le thé en Inde, au Sri Lanka ou au Kenya, ont mis en place le système de “l’indenture” (traduit par “engagisme” en français) ou “coolie trade”. Le statut des ouvriers forcés de travailler loin était à peu près similaire à ceux des esclaves d’Amérique: déplacement de population, conditions de travail très dures, fort taux de mortalité.... “Ce n’est pas de la traite esclavagiste mais cela y ressemble”, note Christian Grataloup.

Et c’est un autre enseignement de ce livre: les boissons énergisantes que nous consommons en grande quantité et qui ont alimenté la Révolution industrielle ont aussi encouragé l’exploitation et l’appauvrissement du “Sud global”, qui d’ailleurs ne boit pas nécessairement ces boissons chaudes au petit-déjeuner. L’auteur évoque également l’histoire de la vaisselle créée et développée pour consommer ces boissons, ainsi que l’histoire du pain etc.

Bref, une mine d’informations très documentée et, je tiens à le souligner, très bien écrite, très agréable à lire. Une lecture très enrichissante.

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