Le salut viendra de la mer, de Chrìstos Ikonòmou

Dans mes flâneries en librairies je suis toujours à la recherche de livres d’auteurs grecs contemporains pour mieux comprendre ce pays et voir comment la récente crise économique et financière a marqué les imaginaires (voir également mon billet sur la littérature grecque ici). En “flânant” sur Librel, je suis tombée sur une recommandation de libraires pour ce recueil de nouvelles de Chrìstos Ikonòmou paru en Grèce en 2014 et traduit en français en 2023.

Sur une île de la mer Egée indéfinie, cohabitent autochtones, surnommés “rats” par “ceux d’autre part”, sorte d’immigrés intérieurs originaires pour beaucoup d’Athènes et plus particulièrement du Pirée, à la recherche d’une vie meilleure. Dans ses nouvelles, l’auteur mêle drames personnels et collectifs pour nous dresser le portrait d’une Grèce où rien ne va plus, où on ne dialogue plus et où tout est sens dessus dessous. La crise financière, politique et sociale est évidemment passée par là; laissant la corruption, la déshumanisation et haine de l’autre prendre le dessus. Rejetés, “ceux d’autre part” luttent avec ce dont ils disposent, prisonniers de leur insularité nouvelle, et se tournent souvent vers la mer comme échappatoire. Chez eux il y a bien sûr du désespoir, de la colère, mais jamais de résignation.

Il est également question de paternité et de rapports père-fils, notamment dans la très touchante nouvelle qui donne son titre au livre, où un père cherche son fils disparu chaque nuit. Cette nouvelle est selon moi la plus belle du recueil, car très touchante, et très certainement encore plus musicale dans la version originale qu’en français. Certains passages, tous comme le nom du fils perdu, sont inlassablement répétés comme un refrain.

La rancœur - surement bien méritée - à l’égard de l’Union européenne n’a pas échappé à l’”euro-freak” que je suis tout comme l’ambivalence des sentiments que vouent les personnages à leur propre pays. Pas facile d’être les héritiers d’un pays à l’histoire millénaire mais qui leur semble perdu.

« Va te faire foutre , tonton Rolf, voilà ce qu’il voulait lui dire. (...) Quant à cette histoire d’Europe...Quelle Europe? L’Europe n’existe que sur les cartes et dans les livres. Et ne va pas nous ressortir Platon, Aristote et les Romains. C’est d’aujourd’hui qu’on parle, et des gens simples. J’ai quoi de commun, moi avec un Danois, un Suédois, un Tchèque? Et c’était quoi notre crime à nous, au fait? De vouloir un toit sur notre tête et une voiture? Alors quoi? Il faudrait qu’on vive encore dans des grottes et qu’on se déplace à dos de mulet? Mais attention, bientôt c’est à ça que vous allez nous ramener. Aux grottes et aux mulets. Bon, les grottes, passe encore. Mais les mulets, où va-t-on les trouver puisque bientôt on va se mettre à les bouffer? »
— Le salut viendra de la mer, Chrìstos Ikonòmou

J’ai dévoré ce livre car c’est précisément ce que je recherche: trouver et entendre la voix - négligée - des Grecs à travers la littérature. Je le recommande.

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