LaRose, de Louise Erdrich

C’est en lisant un numéro spécial du 1 des libraires consacré aux Etats-Unis (voir ici) que j’ai découvert cette autrice contemporaine, également propriétaire d’une librairie à Minneapolis. Interviewée sur la vie politique de son pays, elle répond avec beaucoup d’acuité et de clairvoyance. Je me suis dit qu’il fallait à tout prix que je découvre son œuvre.

Elle-même d’origine amérindienne, Louise Erdrich s’attèle à faire revivre la mémoire de ces peuples décimés et déracinés comme elle l’explique dans cette interview accordée à Augustin Trapenard sur France Inter en 2017 (voir ici). LaRose ne fait pas exception car le lecteur suit la trajectoire de plusieurs familles ojibwés vivant le Dakota du Nord entre 1999 et l’an 2000. Le livre retrace également les origines d’une d’entre elles depuis la première moitié du XIXème siècle.

LaRose est un prénom qui se transmet de génération en génération dans une famille. Tous les LaRose ont plusieurs dons, comme celui de guérir ou de traverser facilement la frontière entre le monde des morts et celui des vivants. Initialement attribué aux femmes, ce prénom est donné à un petit garçon qui tient un rôle central dans l’histoire. En effet, au début du roman, le père de LaRose, Landreaux, tue accidentellement Dusty, le fils de ses voisins et amis (il pensait chasser un cerf et touche mortellement le petit Dusty). Rongé par la culpabilité, il perpétue une ancienne coutume et « donne » LaRose aux parents de Dusty, Peter et Nola.

Le récit de ces familles en souffrance s’entrelace avec l’histoire de la toute première LaRose, qui fait sa première apparition dans le roman avec sa mère Vison dans un comptoir du pays ojibwé. Elle a alors onze ans et nous sommes en 1839. Cette construction du récit permet à l’autrice d’aborder de nombreux thèmes: le deuil et la culpabilité, bien sûr ; l’amour paternel ou fraternel ; l’acculturation forcée des peuples amérindiens, répétée sur plusieurs générations et qui aboutit à la quasi disparition de leur culture ; les fortes addiction ; la pauvreté ; la ségrégation raciale géographiquement marquée (la réserve ojibwé a des frontières clairement définies, son propre lycée…).

Un récit riche, donc, au risque de s’y perdre un peu et j’avoue m’être un peu découragée une fois arrivée à la moitié du roman. Le livre ne m’est pas tombé des mains pour autant et je pense que cela est dû aux grands talents narratifs de l’autrice ainsi qu’à sa galerie de personnages extrêmement bien construits. Je pense particulièrement à : Maggie, grande sœur de Dusty, mi-ange mi-démon dérangeante et touchante à la fois ; Romeo, ami d’enfance puis ennemi juré de Landreaux, blessé dans sa chair et dans sa tête, alcoolique et accro aux médicaments; le père (catholique) Travis dévoré par sa passion pour Emmaline ; encore à Nola, mère de Dusty, littéralement folle de colère.

Par ailleurs, parmi les talents les moins reconnus, il y a celui de faire rire. Pour montrer que Louise Erdrich ne manque pas d’humour, voici un extrait qui m’a bien fait rire et vraiment étonnée. Voici le contexte : Nola et Peter, qui assistent à un match de volley où joue leur fille ainée Maggie, s’écharpent avec les parents d’une jeune fille qui joue dans l’équipe adverse et se font expulser. Quelques jours plus tard: «Peter feuilleta le maigre annuaire du comté, composa un numéro. Celui du type à qui il avait flanqué un coup de poing pendant le match de volley ball. Le père de Braelyn et Buggy répondit. 

Ici Wildstrand, dit la voix.
Bonsoir, dit Peter. C’est Ravich. Désolé de vous avoir frappé. J’espère que votre fille va mieux.

Et il raccrocha.

Pourquoi ai-je fait ça ? 

Il posa la question au chien. Les yeux sombres de l’animal brillèrent, animés d’une vive reconnaissance. Au bout d’un moment, le téléphone sonna. Peter décrocha.

Ici Wildstrand. Je n’ai jamais eu l’intention de toucher votre femme.

Je sais.

Cette fois, c’est Wildtrand qui raccrocha ». 

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